Le Président de la République Décrète :
Chapitre premier : Dispositions générales
Article 1er :
(1) Le présent décret porte création, organisation et fonctionnement du fonds d’énergie rurale en abrégé « FER », ci-après désigné « le Fonds ».
(2) Le Fonds est chargé d’assurer de façon durable le financement des programmes et projets d’énergie rurale.
(3) Pour le financement des projets et programmes d’énergie rurale, un compte spécial est ouvert auprès de la banque des Etats de l’Afrique centrale.
Article 2 : Au sens du présent décret, les définitions ci-après sont admises :
- Energie rurale : toute forme d’énergies utilisées en milieu rural pour la satisfaction des besoins domestiques, socio-communautaires, artisanaux, commerciaux ou industriels, générées notamment à partir des hydrocarbures, de charbon minéral ou de sources d’énergie renouvelables (biomasse, eau, soleil, vent, géothermie, etc.)
- Milieu rural : agglomération située en dehors du périmètre d’un chef-lieu de département et ne bénéficiant pas de services énergétiques.
- Comité de planification et de programmation de l’énergie rurale, en abrégé « COPPER » : organe qui a pour mission de veiller à la bonne utilisation des ressources, ainsi qu’à l’allocation optimale des subventions attribuées par le FER pour le développement de l’accès durable à l’énergie en zone rurale, dans des conditions acceptables de viabilité technique, économique et financière, d’équité et de transparence.
- Opérateurs de services d’énergie rurale en abrégé « OSER » : toute personne physique ou morale de droit camerounais, capable de mobiliser des ressources humaines, matérielles, techniques et financières nécessaires conformément à la réglementation et aux standards en vigueur, et ayant le droit d’opérer une activité de fourniture de services durables d’énergie aux utilisateurs finaux domestiques, socio- communautaires, artisanaux, commerciaux ou industriels.
- Plan directeur d’énergie rurale en abrégé « PDE » : document de stratégie de mise en œuvre de la politique nationale d’énergie rurale élaborée par le ministère chargé de l’énergie à l’horizon de quinze ans actualisé tous les trois ans. Le PDER inclut :
(i) L’évaluation actualisée de l’état d’accès aux différentes formes d’énergie modernes dans les zones rurales ;
(ii) Le découpage du pays en zones d’énergie rurale ;
(iii) L’identification des programmes d’énergie rurale basée sur la demande à satisfaire dans chacune desdites zones ;
(iv) L’investissement à réaliser et
(v) La fixation des priorités d’approvisionnement en énergie à moindre coût.
- Programme annuel d’énergie rurale en abrégé « PAER » : Ensemble des projets prioritaires d’énergie rurale et des projets d’initiative locale d’énergie rurale, adoptés sur la base du PDER pour être mise en œuvre au cours de l’année budgétaire à venir et publiés par le COPPER.
- Projet prioritaire d’énergie rurale en abrégé « PPER » : projet planifié à partir du PDER et d’étude préalable complémentaire, couvrant en totalité ou en partie une zone d’énergie rurale des objectifs minima de taux d’accès durable à l’énergie et mise en œuvre par un OSER, sélectionné par un appel d’offres concurrentiel.
- Projet d’électrification rurale : l’intervention visant la constitution et l’exploitation, en zone rurale d’infrastructures et d’équipement pour fourniture, dans au moins un village sur une période minimale de quinze à vingt ans, des services d’énergie électrique aux utilisateurs finaux domestiques, sociocommunautaires, artisanaux, commerciaux ou industriels avec l’obligation de connecter un taux élevé des habitations de la zone d’agglomération principale d’un village et d’intégrer le maximum d’hameaux et d’écarts situés au-delà des limites de la zone d’habitation principale. Les taux minima des connexions à atteindre dans un délai donné son précisés dans le manuel des procédures du FER.
- Projet d’initiative locale d’énergie rurale en abrégé « PILER » : projet initié par un porteur de projet public, privé ou par une organisation non gouvernementale portant sur le développement de l’accès durable à l’énergie dans une localité, un groupe de localités ou une zone rurale, soumis aux mêmes critères d’éligibilité que les PPER.
- Zone d’énergie rurale en abrégé « ZER » : zone géographique territorialement délimitée et/ou liste de localités représentant des niveaux d’accès à l’énergie rurale et d’investissements attractifs pour les OSER privés.
Article 3 :
(1) Le Fonds est le mécanisme principal de financement des programmes annuels d’énergie rurale par l’Etat et les partenaires au développement du Cameroun.
(2) L’Agence d’électrification rurale est l’organe d’exécution du Fonds.
Chapitre II : Des ressources et des dépenses du fonds
Section I : Des ressources
Article 4 : Les ressources du Fonds sont constituées :
- Des budgets d’investissement public (BIP) destinés au financement de l’énergie rurale ;
- Des financements des bailleurs de fonds, rétrocédés au Fonds par le ministre chargé de l’économie ;
- D’une fraction des fonds issus de l’initiative d’allègement des dettes bilatérales et multilatérales et autres ressources budgétaires des ministères et organismes concernés par des projets d’énergie rurale ;
- De la dotation budgétaire annuelle, destinée à l’énergie rurale, allouée au Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale (FEICOM) et du Programme national de développement participatif (PNDP) ;
- D’une fraction des incitations contractuelles dues par des opérateurs privés nationaux et internationaux du secteur de l’électricité, pour non respect des cahiers de charges ;
- Des dons, des contributions des organismes publics ou privés, ainsi que de diverses autres sources de financement.
Article 5 : Les ressources du Fonds sont des deniers publics. A ce titre, elles sont soumises au contrôle des organes compétents de l’Etat dans les conditions fixées par les lois et règlements en vigueur.
Section II : Des dépenses
Article 6 : Les dépenses du Fonds sont destinées au financement des investissements dans le domaine de l’énergie rurale.
Article 7 : Les subventions du Fonds sont attribuées conformément à la programmation annuelle, arrêtée par le comité de planification et de programmation d’énergie rurale.
Article 8 : Les programmes et projets financés dans le cadre du Fonds doivent respecter les conditions de viabilité technique économique, financière, d’équité et de transparence, établies suivant les critères d’éligibilité retenus par le Fonds et définis par arrêté du ministre chargé de l’énergie.
Article 9 : Est éligible au financement du Fonds, toute personne physique ou morale de droit camerounais, capable de mobiliser les ressources humaines, matérielles, techniques et financières nécessaires à l’exercice de l’activité d’opérateur de services d’énergie rurale.
Chapitre III : De la gestion du Fonds
Article 10 : Les demandes de financement des programmes et projets éligibles au Fonds sont adressées au directeur de l’agence d’électrification rurale.
Article 11 : Il est créé un comité de planification et de programmation de l’énergie rurale en abrégé « COPPER », ci-après désigné le comité, chargé d’assister le directeur de l’agence d’électrification rurale.
Article 12 : Le comité a pour mission de veiller à la bonne utilisation des ressources ainsi qu’à l’allocation optimale des subventions attribuées par le Fonds, pour le développement de l’accès durable à l’énergie dans les zones rurales, dans les conditions de viabilité technique, économique et financière acceptables, d’équité et de transparence.
A ce titre, le comité :
- Approuve le plan directeur d’énergie rurale à quinze ans, actualisé tous les trois ans ;
- Etablit les grandes priorités annuelles du Fonds, en cohérence avec le plan directeur d’énergie rurale et les projets d’initiative locale d’énergie rurale validés, en tenant compte des ressources effectivement mobilisables ;
- Définit les enveloppes financières annuelles allouées respectivement au projets prioritaires d’énergie rurale et aux projets d’initiative locale d’énergie rurale à partir des priorités retenues pour Fonds ;
- Approuve la programmation annuelle d’énergie rurale au plus tard avant le début des conférences budgétaires de l’Etat en cohérence avec le plan directeur d’énergie rurale et compte tenu des enveloppes financières annuelles allouées ;
- Publie le programme annuel d’énergie rurale ;
- Etablit, sur le base du programme annuel d’énergie rurale, l’enveloppe budgétaire que l’Etat devrait allouer au Fonds à travers la loi de Finances ;
- Commande des audits techniques et financiers annuels indépendants sur la gestion des ressources du Fonds ainsi que sur la mise en œuvre des conventions de financement des programmes annuels d’énergie rurale ;
- Approuve les rapports d’audits du Fonds élaborés par les auditeurs externes ;
- Adopte le rapport annuel de gestion du Fonds dressé par le directeur de l’agence d’électrification rurale.
Article 13 :
(1) Pour le compte de chaque exercice budgétaire, les programmes et projets éligibles au Fonds, assortis de leurs coûts indicatifs respectifs, sont transmis par le Directeur de l’Agence d’électrification rurale au ministre en charge de l’énergie, pour approbation préalable avant leur mise en exécution.
(2) Cette transmission se fait au plus tard le 31 janvier de chaque année.
(3) L’approbation visée à l’alinéa 1 ci-dessus est octroyée sous la forme d’un visa, au plus tard dans les quinze (15) jours suivant la réception du document par le service du courrier du ministère en charge de l’énergie.
Article 14 :
(1) Le comité est constitué ainsi qu’il suit :
Président : Une personnalité désignée par le ministre chargé de l’énergie ;
Membres :
- Un représentant de la Présidence de la République ;
- Un représentant des services du Premier ministre ;
- Un représentant du ministère chargé de l’énergie ;
- Un représentant du ministre chargé des finances ;
- Un représentant du ministre chargé de l’aménagement du territoire ;
- Un représentant du ministre chargé de l’environnement ;
- Un représentant du ministre chargé de l’administration territoriale ;
- Le Directeur général du Fonds spécial d’équipement et d’intervention inter- communale ;
- Le directeur de l’Agence d’Electrification Rurale ;
- Le Directeur de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures ;
- Le coordonnateur du programme national de développement participatif ;
- Un représentant des bailleurs de fonds internationaux multilatéraux et bilatéraux contribuant au financement de l’énergie rurale au Cameroun.
(2) Les membres du comité sont désignés par les administrations et organismes qu’ils représentent, à la diligence du ministre chargé de l’énergie.
(3) La composition du comité est constatée par arrêté du ministre chargé de l’énergie.
(4) Lorsqu’un membre du comité perd la qualité au titre de laquelle il siège en son sein, il cesse aussitôt d’en être membre.
(5) Les fonctions de président, de membre et de secrétaire du comité sont gratuites. Toutefois, il leur est alloué, ainsi qu’aux personnes invitées à titre consultatif, une indemnité de session dont le montant est fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie, conformément à la réglementation en vigueur.
Article 15 : Le président peut inviter toute personne physique ou morale à prendre part avec voix consultative aux travaux du comité, en raison de ses compétences sur les questions à examiner.
Article 16 :
(1) Sur convocation de son président, le comité se réunit au moins deux fois par an en session ordinaire, dont une fois pour l’adoption du programme d’investissement de l’année suivante et une fois pour l’examen du rapport annuel d’activités du fonds. Il peut se réunir en session extraordinaire à la demande du ministre chargé de l’énergie.
(2) Les convocations, accompagnées des documents de travail, sont envoyées aux membres du comité au moins quinze (15) jours avant la date de la réunion, sauf en cas d’urgence où ces délais sont ramenés à sept (07) jours.
(3) Les décisions du comité sont prises à la majorité des membres présents. En cas d’égalité des voix, celle du président est prépondérante.
(4) Tout membre empêché peut se faire représenter au comité par un autre membre. Toutefois, aucun membre ne peut, au cours d’une même session, représenter plus d’un membre.
(5) Le comité ne peut valablement délibérer que si la moitié au moins des membres est présente.
(6) Les membres du comité sont tenus au respect de la confidentialité des débats et des délibérations.
Article 17 :
(1) Pour l’accomplissement de ses missions, le comité dispose d’une secrétariat chargé :
- De préparer les réunions du comité et d’en dresser les procès verbaux ;
- D’assurer la diffusion des délibérations du comité ;
- De veiller à la mise en œuvre des résolutions du comité ;
- De collecter, classer et archiver la documentation relative aux activités du comité ;
(2) Le secrétariat du comité est assuré par le directeur de l’électricité du ministère chargé de l’Energie.
Article 18 :
(1) Le secrétariat produit au plus tard quinze (15) jours après la tenue d’une réunion un procès verbal de délibération du comité qui est adressé aux membres ;
(2) Les administrations et organismes concernés sont tenus, en retour, de fournir au secrétariat du comité :
- Les rapports sur l’exécution des programmes annuels d’énergie rurale, comportant les informations sur les réalisations physiques et budgétaires, ainsi que les analyses pouvant faciliter les délibérations du comité ;
- Tous documents ou informations permettant de préparer les différentes réunions du comité.
(3) Les documents susvisés sont produits et transmis au secrétariat du comité selon les spécifications du manuel des procédures du Fonds.
(4) Les frais de fonctionnement du comité font l’objet d’une allocation annuelle inscrite au budget du ministère chargé de l’énergie. Toutefois, en cas de nécessité, le premier ministre peut, à la demande du ministre chargé de l’énergie, et après avis motivé du comité, autoriser le déblocage des fonds spéciaux.
Chapitre IV : De la comptabilité et du contrôle de gestion
Article 19 :
(1) La comptabilité du fonds est tenue selon les règles de la comptabilité publique.
(2) La comptabilité privée du fonds est assurée par l’Agence d’Electrification Rurale suivant les normes de l’OHADA.
Article 20 :
(1) Un agent comptable nommé par arrêté du ministre en charge des finances parmi les comptables du trésor est chargé de l’exécution des opérations financières du Fonds.
A ce titre, il :
- Assure le règlement des dépenses effectuées sur le fonds ;
- S’assure de la régularité des dépenses du fonds.
(2) Seul l’agent comptable a qualité pour opérer tout maniement des fonds et/ou valeurs et pour signer les chèques. Il est responsable de la tenue et de la sincérité des écritures.
(3) L’Agent comptable est personnellement responsable de ses opérations financières et comptables. Il est tenu d’établir un compte de gestion par exercice qui retrace toutes les opérations de ressources et de dépenses effectuées.
(4) Le compte de gestion est soumis au ministre chargé des finances et à l’organe de l’Etat compétent en matière d’apurement des comptes.
Article 21 : L’Agent comptable est soumis à la réglementation applicable aux comptables publics.
Article 22 : Le contrôleur financier auprès de l’Agence d’Electrification Rurale assure le contrôle de toutes les opérations budgétaires du fonds.
Article 23 :
(1) La gestion du fonds fait l’objet d’un audit technique et financier annuel indépendant commandé par le président du comité au cours du premier trimestre de l’exercice budgétaire suivant. Le rapport d’audit du fonds doit porter notamment sur :
- La qualité de la tenue des livres de compte et registres associés ;
- L’exactitude de l’état de la situation du fonds ;
- La conformité des paiements effectués au regard des dépenses autorisées et dûment approuvées ;
- Le respect des procédures et des décaissements ;
- L’exactitude des procédures comptables et de contrôle interne ;
- Les résultats techniques obtenus.
(2) L’Agence d’Electrification rurale soumet au plus tard trois (03) mois après la fin de chaque exercice budgétaire un rapport annuel portant sur les activités et les opérations du fonds au cours de l’exercice écoulé. Ce rapport comprend :
- Le rapport de la gestion financière du fonds ;
- Les rapports techniques d’exécution des différents programmes et des différentes conventions ;
- Toutes autres informations nécessaires à la programmation annuelle du comité, notamment le taux de réalisation des dépenses programmées par l’exercice écoulé, des prévisions des dépenses liées au programme annuel d’énergie rurale pour l’exercice suivant et leurs justificatifs.
Article 24 : Le rapport annuel d’activités du fonds est soumis par le directeur de l’Agence d’Electrification Rurale au Ministre chargé de l’énergie qui en assure la diffusion.
Chapitre V : De l’audit externe
Article 25 : La gestion et le contrôle des ressources du fonds obéissent aux règles de la comptabilité publique et aux procédures des bailleurs de fonds.
Article 26 :
(1) Le président du comité recrute par voie d’appel d’offres ouvert, un auditeur externe choisi parmi les cabinets de réputation nationale ou internationale. Celui-ci a pour mandat de procéder à l’audit technique et financier de la gestion du fonds et du programme annuel d’Energie rurale exécuté par les différents acteurs impliqués.
(2) Le rapport d’audit est adressé au président du comité avant la fin du mois de juin de chaque année. Il le met à la disposition de tous les membres pour exploitation.
(3) Le rapport d’audit du fonds est rendu public par le président du comité.
Chapitre VI : Dispositions diverses et finales
Article 27 : Les engagements du fonds ne peuvent en aucun cas excéder le montant des dotations annuelles allouées au titre des ressources.
Article 28 : Les ressources du fonds ne peuvent être utilisées que pour la réalisation de l’objet du fonds.
Article 29 : Les engagements non honorés à la fin d’un exercice budgétaire seront reportés sur l’exercice suivant. Toutefois, les dépenses y relatives doivent être ordonnancées avant la fin du même exercice.
Article 30 : Les infrastructures et équipements ayant bénéficié d’un financement du fonds sont les biens publics. Après la période de gestion privée déterminée d’accord-parties, l’Etat peut les rétrocéder à une structure appropriée.
Article 31 : Le présent décret sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au journal officiel, en français et en anglais.
Yaoundé, le 10 décembre 2009
Le Président de la République
Paul BIYA