Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Décrète :
Chapitre I : Des dispositions générales
Article 1er : Le présent décret fixe les modalités de réévaluation des immobilisations amortissables et non amortissables des entreprises.
Article 2 : Les personnes physiques ou morales relevant du régime du réel et exerçant une activité industrielle, commerciale, agricole, minière ou artisanale ou une profession libérale en République du Cameroun, sont tenues de réévaluer leurs immobilisations corporelles et incorporelles, amortissables et non amortissables notamment les bâtiments, les terrains, les constructions, les matériels et équipements, les fonds de commerce acquis.
Chapitre II : Du champ d’application de la réévaluation
Article 3 : La réévaluation est obligatoire pour toute personne physique ou morale tel que spécifié à l’article 2 ci-dessus, à l’exception des entreprises bénéficiant d’un régime fiscal privilégié ou des entreprises bénéficiant d’un régime fiscal stabilisé, à la condition que ces dernières notifient leur choix de ne pas procéder à la réévaluation au directeur général des impôts avant le 31 décembre 2013.
Article 4 :
(1) Par entreprises bénéficiant d’un régime fiscal privilégié, il faut entreprendre :
- Toute entreprise bénéficiant en vertu soit de la loi, soit d’une convention particulière passée avec l’Etat, d’avantages fiscaux l’exonérant totalement ou partiellement d’un ou de tout impôt, ou lui accordant des modalités de calcul d’un ou de plusieurs impôts plus favorable pour le calcul des impôts concernés ;
- Les entreprises bénéficiant en vertu soit de la loi, soit d’une convention particulière passée avec l’Etat, d’un taux réduit ou d’une exonération d’impôt sur le revenu ou sur le résultat.
(2) Par entreprises bénéficiant d’un régime fiscal stabilisé, il faut entendre :
- Toute entreprise bénéficiant en vertu soit de la loi, soit d’une convocation particulière passée avec l’Etat, de la stabilité du régime fiscal applicable soit à l’ensemble de ses activités, soit à certaines opérations qu’elle réalise, soit relativement à un ou plusieurs impôts ;
- Les entreprises dispensées en vertu soit de la loi, soit d’une convention particulière passée avec l’Etat ; de tout prélèvement ou impôt existant ou créé après l’entrée en vigueur du régime de faveur octroyé.
Article 5 : Pour être éligibles à la réévaluation légale, les personnes physiques ou morales au régime du réel doivent avoir réalisé au 31 décembre 2010, ou au cours de l’un des deux exercices précédant cette date, un chiffre d’affaires annuel supérieur ou égal à cent (100) millions de francs CFA.
Article 6 : La réévaluation est facultative pour les personnes physiques ou morales ayant réalisé une réévaluation libre de leurs immobilisations au cours des quatre exercices précédant 2011 et pour toutes les autres personnes dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à cent (100) millions de francs CFA.
Article 7 :
(1) Toutes les immobilisations figurant dans le registre d’inventaire des immobilisations prévu par l’Acte Uniforme OHADA et au bilan au 31 décembre 2010 doivent faire l’objet de réévaluation, à l’exclusion des :
a) Succursales des sociétés ayant leur siège social hors du Cameroun ;
b) Sociétés de fait ou en participation ;
c) Immobilisations entièrement amorties ou dont la valeur nette comptable est nulle, à l’exception des bâtiments et agencements ;
d) Constructions édifiées par les entreprises concessionnaires sur les terrains appartenant à l’Etat et qui doivent revenir à celui-ci au terme de la concession ;
e) Encours d’immobilisation ;
f) Sociétés en nom collectif, des Groupements d’intérêt économique et plus généralement des sociétés fiscalement transparentes n’ayant pas opté pour l’impôt sur les sociétés ;
g) Biens figurant dans le patrimoine des entreprises individuelles, mais maintenues hors de leurs bilans ou considérés au regard des dispositions du code général des impôts comme ne concourant pas directement à l’exploitation de ces entreprises ;
h) Biens en crédit-bail figurant à l’actif du crédit-preneur ;
i) Immobilisations financières et des frais immobilisés.
(2) Les immobilisations à réévaluer doivent être la propriété de l’entreprise ou des biens en crédit-bail inscrit à l’actif du bilan du crédit-preneur, conformément au droit comptable OHADA et figurer dans son bilan au 1er janvier 2011 tel que prévu à l’article 5 ci-dessus.
Chapitre III : Les modalités de réévaluation
Article 8 :
(1) La réévaluation ne doit être ni partielle, ni étalée. Elle doit faire l’objet d’une déclaration à l’administration fiscale et aux services en charge de la statistique et de la comptabilité nationale au plus tard le 15 juillet de l’année suivant la réévaluation.
(2) Ladite déclaration de la réévaluation rend compte des opérations matérielles de la réévaluation. Elle présente sous forme de tableaux les immobilisations réévaluées, élément par élément avec les indications suivantes :
- Valeur d’origine ou d’acquisition ;
- Amortissements pratiquées ;
- Valeur nette comptable ;
- Coefficient appliqué ;
- Valeur réévaluée ;
- Valeur nette comptable réévaluée ;
- L’écart de réévaluation.
Article 9 :
(1) La réévaluation des biens s’effectue suivant la méthode indiciaire prévue par l’Acte Uniforme OHADA portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises.
(2) Pour les bâtiments et agencements entièrement amortis, la ré-évaluation a pour base la valeur d’origine ou le prix de revient de ceux-ci à leur entrée dans le patrimoine de l’entreprise.
(3) Les coefficients applicables à l’opération de réévaluation sont fixés comme suit :
Article 10 :
(1) Nonobstant la réévaluation, le plan initial d’amortissement de chaque élément immobilisé demeure inchangé. Les anuités d’amortissement des exercices ouverts à compter de la réalisation de la réévaluation sont calculées proportionnellement au nombre d’années restant à courir, conformément au plan d’amortissement initial de chaque élément.
(2) Le montant total des amortissements effectivement pratiqués à la clôture d’un exercice postérieur à celui de la réalisation de la réévaluation s’entend des amortissements effectués antérieurement à la réévaluation et de ceux pratiqués depuis la réévaluation.
(3) Dans le cas particulier des bâtiments entièrement amortis, le plan d’amortissement à suivre est celui fixé à l’article 7 § D du Code général des impôts.
Article 11 :
(1) Les amortissements supplémentaires résultats de la réévaluation sont admis, du point de vue fiscal, dans les charges déductibles uniquement pour les entreprises ayant réinvesti l’écart de réévaluation.
(2) Il est produit, en annexe aux déclarations statistiques et fiscales, un état détaillé des amortissements supplémentaires.
Chapitre IV : De l’écart de réévaluation
Article 12 :
(1) L’écart de réévaluation des immobilisations amortissables et non amortissables est porté directement au passif, à un compte intitulé « écart de réévaluation » divisé en sous comptes :
- Ecart de réévaluation légale sur les immobilisations non amortissables (fonds de commerce acquis, les terrains) ;
- Ecart de réévaluation légale sur les immobilisations amortissables.
(2) L’écart de réévaluation ne peut être, ni distribué, ni affecté à la résorption des pertes. En revanche, il doit être exclusivement incorporé au capital avant le 31 décembre 2014.
Article 13 : La différence à constater en cas de dépréciation intervenue depuis la réalisation de la réévaluation des immobilisations non amortissables est imputée sur l’écart de réévaluation légale si celle-ci n’est pas encore incorporée au capital. Elle sera prise en compte dans les charges déductibles soit en totalité soit en partie.
Article 14 :
(1) L’écart de réévaluation est passible d’un prélèvement de 5% libératoire de tout autre impôt, droit, taxe et redevance.
(2) Toutefois, lorsque l’entreprise réinvestit cet écart de réévaluation, elle est dispensée du paiement de ce prélèvement libératoire.
(3) En cas de réinvestissement de l’écart de réévaluation, la déclaration de réévaluation doit être accompagnée d’un plan d’investissement indiquant clairement la nature des investissements et l’année de leur réalisation qui ne peut excéder deux (2) exercices suivant la déclaration de réévaluation.
(4) Pour ouvrir droit à la dispense de prélèvement visé ci-dessus, le réinvestissement doit obligatoirement porter sur des immobilisations nouvelles autres que les réhabilitations ou réfections d’immobilisations anciennes nécessaires à l’exploitation.
Article 15 : Les amortissements de la nouvelle immobilisation sont calculés sur la base de la valeur d’acquisition.
Article 16 : La plus ou moins value de cession des immobilisations amortissables ou non amortissables est calculée à partir de la valeur nette réévaluée.
Chapitre V : Des dispositions diverses et finales
Article 17 :
(1) Les entreprises ayant procédé à la réévaluation libre de leur immobilisations au plus tard au 31 décembre 2007, peuvent utiliser leur valeur réévaluées à condition de joindre à la déclaration de réévaluation légale :
- Les documents utilisés et annexés à la déclaration statistique et fiscale de l’exercice de la réévaluation libre ;
- Les procès-verbaux des assemblées générales ou autres organes assimilés ayant approuvé les conditions de la réévaluation libre ;
- Une attestation du Directeur Général des Impôts justifiant la déclaration fiscale des plus-values dégagées à l’occasion de la réévaluation libre.
(2) Toute réévaluation libre intervenue à compter du 1er janvier 2008 n’est prise en considération qu’en ce qui concerne les impôts émis au titre des plus-values de la réévaluation, le cas échéant.
(3) La justification de la réévaluation libre est faite élément par élément dans un tableau annexé à la déclaration de la réévaluation légale. Ceux des éléments n’ayant pas été librement réévalués sont soumis à la réévaluation légale.
Article 18 :
(1) La nouvelle valeur des immobilisations amortissables est obtenue par l’application du coefficient de réévaluation légale à la valeur nette réévaluée librement.
(2) La nouvelle valeur nette comptable est égale à la différence entre la nouvelle valeur réévaluée et les amortissements réévalués tels que définis ci-dessus.
(3) Le plan initial d’amortissement de chaque élément immobilisable demeure inchangé nonobstant la réévaluation libre.
(4) Les annuités d’amortissement des exercices ouverts à compter de la réévaluation libre seront calculées proportionnellement au nombre d’exercices restant à courir, conformément au plan d’amortissement initial de chaque élément.
Article 19 : Les entreprises éligibles au présent mécanisme de réévaluation n’ayant pas procédé à la réévaluation de leurs immobilisations dans les délais et conditions fixés par les présentes dispositions sont soumises à une astreinte de 2 % du chiffre d’affaires par année de retard jusqu’à la réalisation de la réévaluation. En l’absence de toute déclaration, l’astreinte est évaluée d’office.
Article 20 : L’incorporation au capital social de l’écart de réévaluation s’applique indépendamment des dispositions légales en vigueur ou des conventions particulières.
Article 21 : Le présent décret abroge toutes les dispositions antérieures contraires, notamment celles du décret n° 85-1225 du 12 septembre 1985 portant application de l’Ordonnance n° 85-1 du 29 juin 1985 relative à la réévaluation des immobilisations des entreprises.
Article 22 : Le présent décret sera enregistré, publié suivant la procédure d’urgence, puis inséré au journal officiel en français et en anglais.
Yaoundé, le 04 avril 2011
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
Philémon YANG