samedi 28 septembre 2013

LOI N° 2003/004 DU 21 AVRIL 2003 RELATIVE AU SECRET BANCAIRE

 

L'Assemblée Nationale a délibéré et adopté

le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:

Titre 1er : Des dispositions générales

(1) La présente loi fixe les règles relatives au secret bancaire.

(2) Elle s'applique aux établissements de crédit tels que définis à l'article 2 ci-dessous.

Article 2.- Pour l'application de la présente loi, les définitions ci-après sont admises :

1- « Caution » : personne qui s'engage à garantir l'exécution d'une obligation au cas où le débiteur ne remplirait pas son engagement.

2- « Curateur »: personne chargée d'assister un majeur placé sous le régime de la curatelle en raison de déficiences physiques ou de l'altération des facultés mentales.

3- Établissement de crédit » : personne morale qui effectue à titre de profession habituelle des opérations de banque ou toute entité ayant pour objet le commerce de l'argent ou des valeurs mobilières.

4- « Légataire à titre particulier » : personne qui bénéficie d'un legs portant sur un ou plusieurs biens déterminés ou déterminables.

5- « Légataire à titre universel »: personne qui bénéficie d'un legs portant sur une quote- part des biens laissés par le testataire à son décès.

6- « Nu-propriétaire » : titulaire du droit de propriété sur une chose et qui conserve le droit d'en disposer.

7- « Tuteur » : personne chargée de représenter un mineur ou un majeur placé sous le régime de la tutelle.

8- « Usufruitier » : personne bénéficiant d'un démembrement du droit de propriété sur une chose et qui lui confère le droit de l’utiliser et d'en percevoir les fruits.

9- « Donataire » : personne bénéficiant d'un transfert de propriété dans le cadre d'une donation.

Article 3.- Le secret bancaire consiste en l'obligation de confidentialité à laquelle sont tenus les établissements de crédit par rapport aux actes, faits et informations concernant leurs clients, et dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur profession.

Article 4.-

(1) Toute personne qui, à quelque titre que ce soit, et quelle qu'en soit la durée ou la modalité, participe à la direction, à la gestion, au contrôle ou à la liquidation d'un établissement de crédit ou est employée par celui-ci, est tenue au secret bancaire.

(2) La même obligation s'étend aux personnes qui, sans faire partie du personnel, ont eu connaissance ou accès de manière indue ou autorisée, aux secrets d'un établissement de crédit de par leur qualité, leurs aptitudes techniques et intellectuelles ou leur fonction.

Titre II : De la violation et de l'inopposabilité du secret bancaire

Chapitre 1 : De la violation du secret bancaire

Article 5.-

(1) Constitue une violation du secret bancaire :

a) la divulgation, la communication par quelque moyen que ce soit des faits et informations connus dans l'exercice de leurs fonctions par les employés, les organes dirigeants ou de contrôle d'un établissement de crédit et notamment les opérations relatives aux comptes bancaires, les opérations d'escompte, les fournitures de devises, le résultat des inspections ou des contrôles effectués par les autorités monétaires ;

b) la révélation, la divulgation, la communication par quelque moyen que ce soit par les tiers, des renseignements reçus ou obtenus d'un établissement de crédit ;

c) l'exploitation à ses propres fins ainsi que la communication à des tiers par un établissement de crédit ou par son personnel des faits, études, projets et autres informations à lui confiés par un client.

(2) Est assimilé à la violation du secret bancaire :

a) le fait de procéder même par imprudence à un traitement automatisé d'informations bancaires nominatives sans prendre toutes précautions utiles pour préserver la sécurité des procédures et de nature à entraîner des dénaturations, dommages ou communications à des tiers ;

b) le fait d'accéder ou de se maintenir frauduleusement dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé des données d'un établissement de crédit ;

c) le fait d'introduire frauduleusement des données dans un système de traitement automatisé des données d'un établissement de crédit ou de supprimer ou de modifier frauduleusement les données qu'il contient.

Article 6.- Ne constitue pas une violation du secret bancaire :

a) la communication par quelque moyen que ce soit d'informations à caractère général notamment tout renseignement qu'il est d'usage de. fournir à des tiers, clients ou non de l'établissement de crédit ;

b) la communication par quelque moyen que ce soit d'informations ou de renseignements sur autorisation du client ou de ses héritiers ;

c) l'échange informations à caractère confidentiel entre établissements de crédit dans l’exercice de leur profession ;

d) la déclaration faite au Procureur de la République ou à l'autorité monétaire par les dirigeants d'un établissement de crédit d'opérations ou d'informations portant sur des sommes d'argent dont ils savent ou qui paraissent provenir du trafic de stupéfiants, de l'activité d'organisations criminelles ou du blanchiment des capitaux ;

e) le fait pour un établissement de crédit de laisser examiner ses livres sur ordre du tribunal, dans les conditions définies par l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit commercial général.

Article 7.- Le caractère secret des informations est présumé. Toutefois, cette présomption n'est pas irréfragable.

Chapitre II : De l'inopposabilité du secret bancaire

Section 1 : De l'inopposabilité du secret bancaire aux autorités publiques

Article 8.-

(1) Le secret bancaire ne peut être opposé à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale et aux officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du Procureur de la République.

(2) Le secret bancaire ne peut être levé en matière civile, commerciale ou sociale que dans les cas prévus par la loi.

Article 9.- Le secret bancaire est inopposable aux institutions supérieures de contrôle des finances publiques.

Article 10.-

(1) Le secret bancaire ne peut être opposé aux agents du fisc assermentés, agissant dans le cadre d'une procédure de communication écrite telle que prévue par le Code Général des Impôts.

(2) L'administration fiscale a un droit de communication des documents comptables et bancaires dont la connaissance lui est nécessaire pour le contrôle de l'assiette et le recouvrement de l'impôt. Elle n'a le droit ni de prélever, ni de saisir les pièces et de les emporter.

Article 11.-

(1) Le secret bancaire ne peut être opposé aux fonctionnaires de la Douane assermentés agissant en matière de détermination de l'assiette et de recouvrement des droits et taxes dans le cadre d'une procédure écrite conformément au Code des Douanes.

(2) L'administration des Douanes a un pouvoir de consultation sur place des documents bancaires.

Article 12.- Le secret bancaire ne peut être opposé aux agents assermentés du Trésor Public, à l'autorité monétaire, au Conseil National du Crédit, à la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale et à la Banque des États de l'Afrique Centrale.

Article 13.- Le secret bancaire ne peut être opposé à la Commission des Marchés Financiers agissant dans le cadre des opérations boursières.

Article 14.- Le secret bancaire ne peut être opposé aux agents de poursuite de l’organisme national chargé de la Prévoyance Sociale agissant dans le cadre du recouvrement des cotisations dues par les employeurs.

Article 15.- Le secret bancaire est inopposable à la société de Recouvrement des Créances du Cameroun (SRC) agissant dans le cadre du recouvrement des créances appartenant aux personnes morales de droit public.

Section II : De l'inopposabilité du secret bancaire aux personnes privées

Article 16.- Le secret bancaire est inopposable au mandataire d'un client ayant reçu le pouvoir de faire des opérations sur un ou plusieurs comptes d'un établissement de crédit. Toutefois, le secret bancaire n’est levé que dans la limite du mandat.

Article 17.- Le secret bancaire est inopposable :

- au conjoint muni des pouvoirs de représentation légale ou contractuelle ;

- au tuteur d'un mineur ou d'un majeur incapable ;

- au curateur voulant être renseigné sur les opérations bancaires effectuées sur les biens dont il a la gestion.

Article 18.-

(1) Les établissements de crédit ne peuvent opposer le secret bancaire aux successeurs universels de leurs clients. Le secret bancaire est toutefois maintenu à leur égard pour des informations à caractère purement personnel dont l’établissement de crédit a pu avoir connaissance.

(2) Le secret bancaire s'applique aux légataires à titre universel ou particulier, ainsi qu'aux donataires.

Toutefois, si la libéralité porte sur des sommes ou titres détenus par l'établissement de crédit, celui-ci est tenu de communiquer au bénéficiaire de la libéralité un relevé de compte au moins pour la période postérieure au dernier relevé de» compte,

Article 19.- Le secret bancaire est inopposable aux héritiers, aux exécuteurs testamentaires, aux liquidateurs et administrateurs de la succession.

Article 20.- Le secret bancaire est inopposable aux titulaires d'un compte joint.

Article 21.- Dans les limites fixées à l’article 14 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés, le secret bancaire est inopposable à la caution.

Article 22.- En vertu de leurs droits relatifs à l'usage, à la jouissance, à la surveillance et à la réalisation éventuelle du gage, l'usufruitier, le nu- propriétaire et le créancier gagiste ont un droit direct d'être renseignés par rétablissement de crédit sur les biens faisant l'objet de leurs droits réels.

Article 23.- Lorsque, dans une opération bancaire, l'établissement de crédit et le client ont stipulé pour un tiers, ce dernier est habilité à demander des informations bancaires relatives à cette opération.

Article 24.- Le secret bancaire est inopposable aux organes légaux de gestion ou de contrôle d'une société, notamment aux commissaires aux comptes. Ceux-ci ont droit aux informations nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Article 25.- En cas de redressement judiciaire ou de liquidation de biens, toutes les personnes ou organes régulièrement habilités et intervenant dans ces procédures peuvent se faire délivrer par rétablissement de crédit, tous documents utiles à l’accomplissement de leur mission.

Titre III : Des dispositions pénales

Article 26.-

(1) Est puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement celui qui viole le secret bancaire.

(2) Si l'infraction est commise par voie de presse ou de réseau informatique, les peines ci- dessus sont doublées.

Article 27.- Est puni d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 1.000 000 à 20.000.000 de FCFA, toute personne qui participe à la direction d'un établissement de crédit ou est employée par celui-ci et qui ne déclare pas au Procureur de la République ou à l'autorité monétaire les opérations portant sur des sommes d'argent qu'ils savent ou présument provenir du trafic de stupéfiants, de l'activité d'organisations criminelles ou du blanchiment des capitaux.

Article 28.- Outre l'application des peines prévues au articles 26 et 27 ci-dessus, le tribunal peut prononcer :

- la confiscation du « corpus delicti » ;

- la déchéance de droits civiques ;

- l’interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité dans un établissement de crédit ;

- la fermeture de l’ établissement de crédit ;

- la publication de la décision prononcée.

Article 29.-

(1) Sans préjudice des prérogatives du ministère public, l'initiative des poursuites appartient également à l'autorité monétaire et à la victime.

(2) L'action publique se prescrit par trois ans à compter de la connaissance du délit.

Titre IV : Des dispositions finales

Article 30.- La présente loi sera enregistrée et publiée selon la procédure, d'urgence, puis insérée au journal Officiel en français et en anglais./ -

Yaoundé, le 21 avril 2003

Le Président de la République,

Paul BIYA